29/08/2025

Vins bio, naturels et biodynamiques : un nouveau chapitre pour la viticulture belge

Bio, naturel, biodynamie : trois voies, trois cahiers des charges

La distinction entre vin bio, vin naturel et vin en biodynamie n’est pas qu’une question de vocabulaire : elle engage concrètement le travail du vigneron, de la vigne au chai. En Belgique, ces différences sont parfois méconnues, alors qu’elles sont fondamentales pour comprendre ce qui se cache derrière chaque bouteille.

Les vins biologiques belges : un cadre réglementé

  • À la vigne : Le vignoble doit être exempt de pesticides et herbicides de synthèse. Seuls les produits reconnus par le cahier des charges européen bio sont autorisés.
  • Au chai : Certains additifs (dont les sulfites) restent autorisés, mais dans des quantités réduites par rapport à l’agriculture conventionnelle.
  • Labels : Le logo européen « Eurofeuille » (feuille étoilée sur fond vert) atteste du respect de ces normes. Parfois, un label belge comme Certisys ou Biogarantie peut s’y ajouter.

Les vins naturels belges : peu de législation, beaucoup de principes

Contrairement au « bio », il n’existe pas de définition légale ou de cahier des charges officiel au niveau belge ou européen pour le vin naturel (source : Raisin ; Institut national de l’origine et de la qualité). Mais les pratiques reconnues incluent généralement :

  • Fermentation spontanée (levures indigènes uniquement, pas d’enzymes ajoutés)
  • Pas d’intrants œnologiques (sauf parfois une très faible dose de sulfites à la mise en bouteille)
  • Pas de filtration ni collage, ou très limité
  • Certaines associations (Vin Méthode Nature, AVN, etc.) proposent des chartes que quelques domaines belges suivent de façon volontaire.

Pour le consommateur, cela implique une réelle diversité : tous les vins naturels ne se ressemblent pas, ni au goût ni dans leur élaboration.

Biodynamie : au-delà du bio, une philosophie en action

  • Application du calendrier lunaire pour tous les travaux à la vigne et au chai
  • Usage de préparations à base de plantes (bouse de corne, silice…)
  • Respect de la biodiversité de la parcelle
  • Certification Demeter ou Biodyvin reconnue à l’international, de plus en plus de vignerons belges rejoignent le mouvement (source : Demeter.be)

Pour résumer : bio = certifications et interdictions claires ; naturel = philosophie basée sur le "non-interventionnisme" ; biodynamie = pratiques agricoles supplémentaires et influence du cosmos.

Qui sont les pionniers du vin bio, naturel et en biodynamie en Belgique ?

La Belgique ne compte certes pas des centaines d’hectares convertis en viticulture biologique, mais la dynamique s’accélère. Quelques domaines se démarquent par leur engagement.

  • Vin de Liège (Wallonie) : Certifié bio depuis 2017 ; le plus vaste domaine wallon engagé à ce niveau (plus de 15 hectares). Vinifications sur levures indigènes, gamme très diversifiée.
  • Vignoble du Château Bon Baron (Profondeville) : Un des premiers vignobles belges à s’inscrire dans une démarche durable, conversion bio et création de cuvées « Faune et Flore ».
  • Chant d’Eole (Quévy) : Conversion progressive vers le bio pour le plus célèbre producteur de bulles de Wallonie (source : Sudinfo, 2022).
  • Wijndomein Hoenshof (Limbourg) : Vinifications naturelles à partir de raisins cultivés sans chimie, quelques cuvées sans sulfites ajoutés.
  • Domaine du Chenoy (Namur) : Un des rares à cumuler conversion biologique et expérimentation de la biodynamie, notamment sur des parcelles de cépages résistants.
  • Pinard et compagnie (Brabant wallon) : « Garagistes » du vin naturel, microvignerons, cuvées sur macération, souvent sans sulfites ajoutés, vendues lors de salons spécialisés.

D’autres petits producteurs wallons et flamands s’engagent, parfois sans certification mais avec une philosophie respectueuse de la nature (Baldus, Entre-Deux-Monts, ou encore Markey à Herve).

Ce qui motive les vignerons belges : la santé du sol… et celle du vigneron !

Pourquoi se lancer dans le bio ou la biodynamie, alors que le climat belge présente déjà son lot de défis ? La réponse la plus fréquente chez les vignerons : préserver la qualité du terroir, mais aussi leur propre santé et celle des consommateurs.

  • Des études menées en France et en Allemagne montrent que l’exposition aux phytosanitaires multiplie par deux à six les risques pour certaines maladies chez les agriculteurs (source : Inserm, 2013).
  • Le respect de la biodiversité et la santé des sols sont perçus comme un atout pour la résilience face au changement climatique, enjeu majeur dans le nord de l’Europe.
  • En biodynamie, les préparations naturelles (ortie, prêle, bouse de corne) permettent une baisse importante de l’usage de cuivre et de soufre.

La Wallonie, avec 75% des parcelles cultivées de façon raisonnée ou biologique selon la Fédération belge des vins, se positionne en laboratoire de la viticulture durable.

Le cas du soufre : les vins naturels belges sont-ils vraiment “sans sulfites” ?

Beaucoup de consommateurs cherchent explicitement des vins “sans sulfites”. Qu’en est-il réellement ?

  • En bio, la dose maximale autorisée de sulfites est de 100 mg/l pour les rouges, 150 mg/l pour les blancs (contre 150 et 200 mg/l en conventionnel).
  • En naturel, certains vignerons ajoutent 0 mg/l… mais d’autres utilisent une dose minimale pour stabiliser le vin.
  • Le vin produit par fermentation contient souvent, de façon spontanée, autour de 10-20 mg/l de sulfites, même sans ajout. Il est donc quasiment impossible d’avoir un vin totalement “zéro soufre”.
  • Depuis 2022, l’association belge des vins naturels encourage la mention claire “sans sulfites ajoutés” sur les étiquettes concernées (source : Plateforme Vin Nature Belgique).

Quelques exemples : le “Pinot noir SANS” de Vin de Liège, ou encore la “Cuvée 0²” de Markey, le revendiquent mais précisent toujours la possible présence de traces naturelles.

Quels labels distinguer sur une étiquette de vin bio ou naturel belge ?

  • Eurofeuille (EU Agriculture) : le logo vert (une feuille composée d’étoiles blanches) est le label officiel pour tous les produits bio européens.
  • Certisys BE-BIO-01 : le principal organisme certificateur en Belgique, gère la grande majorité des audits de vignobles.
  • Biogarantie : marque privée belge, parfois présente en plus pour une traçabilité accrue.
  • Demeter : label international pour la biodynamie, exige contrôle annuel et pratiques spécifiques.
  • Vin Méthode Nature : chartre volontaire, encore rare en Belgique, mais suivie par certains petits domaines.

L’absence de label sur une bouteille ne veut pas forcément dire absence de pratiques bio ou naturelles, mais un label reste un vrai gage de transparence pour le consommateur belge.

Quel intérêt pour la santé : info ou intox ?

La question du bénéfice santé motive de plus en plus d’acheteurs. Il est vrai que les vins bio et naturels contiennent en moyenne moins de résidus de phytosanitaires et d’additifs chimiques (source : Que Choisir, 2021). Mais plusieurs points méritent d’être nuancés :

  • Le vin reste de l’alcool, bio ou non, et il n’existe pas de “dose protectrice” scientifiquement prouvée.
  • Le taux de sulfites, s’il reste faible dans les vins naturels, ne présente de danger que pour les personnes allergiques ou intolérantes. Pour la majorité des consommateurs, c’est l’alcool le principal facteur de risque.
  • Le profil polyphénolique (molécules antioxydantes) ne diffère pas radicalement entre bio, naturel ou conventionnel… mais certaines pratiques de vinification (macération, absence de filtration) peuvent jouer sur la richesse en tanins et arômes protecteurs.

Intérêt santé ? Surtout moins de chimie résiduelle dans la bouteille, mais pas de miracle médical.

Au palais : les vins naturels belges ont-ils un goût différent ?

C’est un sujet de débat régulier lors des salons ! Les vins naturels présentent souvent un profil aromatique spécifique :

  • Arômes parfois plus sauvages, “levurés”, voire une petite touche de “mice” (arôme de pomme, bière, fermentation) sur certains lots.
  • Fraîcheur marquée, acidité naturelle très typique des blancs wallons et flamands.
  • Empreinte plus sincère du millésime : moins de corrections = plus de variabilité.
  • Pour les rouges, structure tannique souvent plus légère, couleurs parfois troubles.

Les amateurs cherchent d’abord l’authenticité, même au détriment de la stabilité du vin. D’où l’importance de goûter, échanger avec le vigneron et, pourquoi pas, organiser un atelier de découverte. Le succès croissant des wine bars spécialisés à Bruxelles, Liège ou Anvers témoigne de cette curiosité (source : Fooding, 2024).

Où acheter des vins bio et naturels belges ?

Les circuits s’élargissent d’année en année :

  • Chez le vigneron, sur RDV ou en visite guidée : Vin de Liège (Open Days), Markey (vente directe), Entre-deux-Monts (dégustations). Sites officiels pour connaître les créneaux.
  • Cavistes spécialisés : Titulus (Bruxelles), Brut (Liège), Dorliac (Namur), De Wijnwinkel (Gand), qui proposent une sélection orientée bio/naturel, souvent avec conseils personnalisés.
  • Magasins bio et épiceries fines : Les boutiques comme Färm, La ruche qui dit oui, Bio-planet référencent jusqu’à 15 vignerons belges en bio ou conversion (source : L’Echo, 2023).
  • Marchés de terroir et salons : Salon Pépites belges, salons Nature & Progrès, Wine and Music Festival. Idéal pour échange direct et découverte de nouvelles cuvées.
  • En ligne : Plateformes comme Vinodis (franco-belge) ou Wine for You, livraison secteur Belgique. Vérifier les conditions d’expédition pour les cuvées fragiles.

Les professionnels de la restauration haut de gamme suivent le mouvement : le « Wine Bar Des Canadiens » à Liège, ou le « Veranda » à Anvers, mettent les vins naturels/traditionnels belges à la carte, parfois avec accords mets-vins audacieux.

Un univers en plein foisonnement

La Belgique compte aujourd’hui une trentaine de vignerons certifiés bio ou en conversion, selon Statbel 2023. Si le bio et le naturel restent minoritaires en surface (moins de 20% des vignes belges), l’impact qualitatif se fait déjà sentir dans le verre. Les cuvées bio et naturelles belges ne sont ni meilleures ni moins bonnes par principe : elles offrent une autre lecture du terroir belge, avec leurs spécificités, leurs surprises, parfois leurs “défauts” assumés. Se former, comparer, échanger avec les artisans du goût : telle est la meilleure manière de trouver la bouteille qui correspond à vos attentes et d’accompagner les grandes heures de ce vignoble en plein essor.

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